Et si on considérait enfin les contrats de service et de maintenance comme structurants ? L’époque où l’asset manager refusait de s’intéresser aux contrats de son immeuble de bureau semble bel et bien révolue... C’est ce que nous avons constaté dans l’échange croisé entre Nicolas Loiseau (Directeur Général chez SEFAL Property) et Romain Ruby (Asset Manager chez ASGARD Group).
Tout d'abord, c'est le contenu des services attendus qui est en jeu. Les entreprises de service proposent maintenant des gammes de prestations très détaillées, et il faut savoir adapter les services aux attentes des occupants.
" Il ne faut jamais oublier quel est l’objet du contrat et pourquoi on le met en place. Donc il faut toujours réfléchir aux prestations dont on a besoin, au niveau de qualité qu’on souhaite mettre en place, et aux attentes et besoins des occupants de l’immeuble. Tout ça n’est fait que dans l’intérêt des occupants de l’immeuble et pour maintenir la valeur et l’entretien de l’immeuble et de ses équipements." indique Nicolas Loiseau.
Romain Ruby rajoute "on travaille pas mal en première et seconde couronne parisienne, où il y a beaucoup de concurrence. Quand on commercialise, les locataires vont regarder, bien sûr, le loyer visé, mais vont regarder derrière le budget de charges. Et un immeuble qui a 30€ le mètre carré en charge ou 50€, ça change beaucoup de choses. J'arrive à avoir un loyer cohérent un peu plus haut et j'ai un budget de charges qui est mieux maîtrisé, tout en ayant des prestations qui sont meilleures."
Car le sujet c'est d'en avoir pour son argent, nous raconte Nicolas Loiseau :
" Il y a eu une époque où on avait un message unique de réduire les charges sur les immeubles. Je pense que ça va être encore une demande assez forte ces temps-ci avec le contexte économique, de la part des propriétaires comme des locataires. Mais il y a aussi la qualité, et aujourd’hui, les locataires choisissent les immeubles pour un certain niveau de prestations, et donc un standard de qualité. Il faut constamment équilibrer entre le prix et la qualité de service. "
Alors quand remettre à plat ses contrats ? La tentation est grande de le faire dès l'acquisition, lors de la structuration du deal. C'est le point de vue de Romain Ruby:
"Il y a un gros travail fait lors de l’acquisition des actifs. En période de due diligence, on fait un gros audit de ce qui s’est passé dans le passé de l’immeuble, les budgets de charges, les PPAT... Et en fonction de la qualité de la gestion ou de la data antérieure, soit on conserve les contrats qui sont en cours, c’est ce qu’on aime bien faire d'ailleurs, soit on voit que les charges sont trois fois plus hautes que ce qu’on connait par rapport à ce type d’immeuble, et là on fait passer des appels d’offres."
Nicolas Loiseau est plus nuancé :
" Il faut bien connaître son immeuble, le type d’équipements ou le type de prestations qu’on souhaite mettre en place. Et ça, ça nécessite d’avoir un peu de recul. Chez SEFAL, nous ne lançons jamais d’appel d’offres quand on prend un immeuble en gestion. On laisse toujours les contrats en place sur l’immeuble dans l’année en cours, et on attend de bien connaitre l’immeuble, ses équipements et ses occupants pour être sûrs que les prestations seront vraiment adaptées à l'immeuble et aux attentes des occupants."
En somme, creuser l'analyse des besoins avant de se retrouver bloqué par un contrat.
"Il faut être très précis dans la liste des prestations attendues, poursuit Nicolas Loiseau. Mon conseil aux jeunes PM c'est : Réfléchis d'abord aux besoins, prend du recul et sois sûr de bien connaitre ton immeuble, pour moi. Et surtout, relis bien le contrat avant de le signer. Parce qu’une fois qu’il est signé, on est engagé."
Piloter la qualité de prestation, l'enjeu central...
En fait, c'est tout l'équilibre entre les coûts et la qualité de service qui doit être systématiquement challengé. Et juger de la qualité d'une prestation est parfois difficile. Sans compter que les prestations sont de plus en plus innovantes.
" Chez Sefal, raconte Nicolas Loiseau, les gestionnaires qui s’occupent des prestations de services sont curieux et ils se tiennent très informés de ce qui se fait aujourd’hui sur les immeubles. Ils vont chercher des nouveaux prestataires, des nouveaux services. Sur la maintenance technique, plus que sur les équipements c'est sur les technologies que ça évolue. Mais ce qui change, c'est qu'on monte des partenariats plus clairs, on a des contrats types avec un process beaucoup plus cadré. "
Ainsi chez Asgard, des processus d'appels d'offres et de CCTP inspirés des marchés de travaux sont systématisés pour la maintenance.
Qualité de service mais surtout... qualité des données
Cette innovation dans les contrats, on la voit apparaître dans le contenu de la prestation, mais aussi dans le pilotage de la qualité. Les remontées de données deviennent cruciales, pour des raisons règlementaires, mais aussi pour la prise de décision. C'est ce que raconte Nicolas Loiseau :
" Il y a quelques années en arrière, les contrats Full FM avec un unique facility étaient les seuls à produire des données techniques unifiées. On a aujourd’hui des outils très modernes qui nous permettent de piloter beaucoup plus facilement qu’on ne le faisait auparavant, en tout cas pour les prestataires. Des outils numériques qui nous permettent de suivre toute la maintenance préventive et la maintenance corrective sur les immeubles quand on est en contrats séparés. Un vrai gain de temps ! "
De son côté, Romain Ruby souligne qu'au-delà de la qualité de la donnée, la facilité d'analyse est cruciale pour lui :
" Sur la partie asset, ce qui est très important, c'est toujours d'obtenir la bonne information, et sous une forme transparente et consolidée. On prend des décisions par rapport à une masse énorme de données du PM, mais ces données n'ont du sens pour nous que sous une forme concentrée. Avoir des données intelligentes simplifiées, c'est ce qui me permet de prendre des bonnes décisions, notamment sur la partie commercialisation. "
Oui, les contrats deviennent un élément clé pour créer de la valeur. Positionner les services et les prestations au plus près des demandes clients, bien challenger leur réalisation. C'est ce que résume Romain Ruby:
"Avec des bons contrats, j'ai un budget de charges qui est mieux maîtrisé, tout en ayant bien sûr des prestations qui sont également meilleures. C'est là où on va faire la création de valeur et on va avoir un avantage concurrentiel par rapport au marché. "
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